Desvaux S., Figuié M., 2011. Formal and informal surveillance systems. How to build bridges? Bulletin de l’AEEMA, n° 59-60 : 352-355.
Moussiaux N.A., Binot A., Chaudron M., Goutard F., Roger F., Peyre M., 2011. Evaluation socio-économique de la surveillance en santé animale : principes et perspectives. Montpellier, Cirad-AFD, 41 p.
Marisa Peyre
Animal et gestion intégrée des risques
Muriel Figuié
Marchés, organisations, institutions et stratégies d’acteurs (UMR Moisa)
06/2012
Face à multiplication récente des maladies animales émergentes, la surveillance épidémiologique devient incontournable dans les pays du Sud. Cette surveillance repose sur des réseaux d’information et suppose la collaboration de multiples acteurs, en particulier les éleveurs. Depuis plusieurs années, le Cirad a entrepris des recherches, en Afrique et en Asie, pour évaluer les réseaux nationaux de surveillance épidémiologique et améliorer leur mode de fonctionnement.
Les maladies animales émergentes se sont multipliées ces dernières années et la surveillance épidémiologique est devenue un outil majeur de gestion des risques sanitaires qu’elles engendrent. De 2009 à 2011, le Cirad a conduit plusieurs recherches, en Afrique et en Asie, sur l’efficacité des réseaux nationaux de surveillance épidémiologique. Il s’est en particulier intéressé aux multiples acteurs de ces réseaux, et en premier lieu aux éleveurs.
Ces recherches montrent, en effet, que le rôle accordé aux éleveurs dans ces réseaux de surveillance se réduit dans la pratique à celui d’informateurs − ils signalent aux agents vétérinaires les cas de maladies à déclaration obligatoire −, puis d’exécutants des politiques de gestion, définies par les autorités sans concertation. Il en résulte bien souvent une faible adhésion des éleveurs à ces réseaux, qui a pour conséquence d’en limiter l’efficacité quant au nombre de cas déclarés.
Si les éleveurs collaborent peu aux réseaux de surveillance instaurés par les autorités, ils mettent en œuvre un ensemble de pratiques de surveillance et de gestion des maladies. Il existe ainsi des réseaux « informels » de surveillance, où l’information sanitaire circule rapidement, dans un rayon limité à quelques kilomètres. Ils reposent sur une définition des « cas » fondée sur la connaissance locale des maladies et incitent les éleveurs à prendre, sur leurs exploitations, des mesures pour minimiser les effets prévisibles des maladies, par exemple en vendant les animaux malades ou exposés, plutôt qu’à en combattre les causes. En ce sens, la perception des maladies par les éleveurs diffère de celle des agents vétérinaires : les éleveurs n’opèrent pas sur les mêmes « territoires épidémiologiques », ne définissent pas les maladies de la même manière et ne visent pas les mêmes objectifs de contrôle.
Pour être fonctionnelle, la surveillance épidémiologique doit reposer sur un réseau d’acteurs qui partagent des intérêts communs, ou du moins compatibles, tirent un bénéfice mutuel du fonctionnement du réseau et donnent un sens identique à l’information qui y circule, en d’autres termes, qui partagent une perception commune de la maladie à surveiller et donnent la même définition de ce qu’est un cas à déclarer.
Il s’agit donc de prendre en compte la multitude des acteurs − éleveurs, consommateurs, commerçants −, qui interviennent, de façon plus ou moins autonome, dans la gestion des risques et des situations de crises associés à l’émergence des maladies. Mais cette prise en compte ne doit pas uniquement viser à identifier les facteurs humains qui favorisent la circulation des maladies, elle doit aussi avoir pour objectif de définir les modalités d’une cogestion des risques.
Ces travaux sur les réseaux de surveillance nourrissent une ambition plus large. Ainsi, le Cirad participe à la conception d’outils de surveillance épidémiologique capables d’intégrer les dimensions épidémiologique mais aussi écologique, socioculturelle et économique liées aux risques sanitaires. Cette « surveillance systémique » sera basée sur des approches syndromiques et participatives, qui visent à impliquer, à l’échelle locale, les communautés et les acteurs de la surveillance dans la définition et la mise en œuvre des politiques de gestions des risques. Cette surveillance se veut complémentaire de celles qui existent actuellement et doit être capable de saisir les évolutions et les dynamiques des contextes sociaux, mais aussi environnementaux, de l’émergence des maladies. Ce projet s’inscrit dans le cadre plus général des études du fonctionnement des systèmes et des communautés par le biais d’approches interdisciplinaires.