Covid-19 | Connaître les coronavirus portés par les chauves-souris pour protéger les populations humaines

Science en action 11 juin 2020
Le Cirad, l’IRD et l’Université du Zimbabwe, partenaires de recherche de longue date sur les maladies animales et zoonotiques, lancent un nouveau projet « Diversité génétique et prévalence de Coronavirus dans deux colonies de micro-chiroptères au Zimbabwe » financé par Montpellier Université d’Excellence*.
Entrée dans la grotte Magweto pour aller prélever des échantillons d’urine et de fèces, Mashonaland- Zimbabwe © M. Bourgarel, Cirad
Entrée dans la grotte Magweto pour aller prélever des échantillons d’urine et de fèces, Mashonaland- Zimbabwe © M. Bourgarel, Cirad

Entrée dans la grotte Magweto pour aller prélever des échantillons d’urine et de fèces, Mashonaland- Zimbabwe © M. Bourgarel, Cirad

« Nous cherchons à mieux comprendre les interactions entre humains, bétails et faune sauvage au Zimbabwe , explique Mathieu Bourgarel, chercheur au Cirad et spécialiste des chauves-souris. Pour cela, nous utilisons l’approche « Une seule santé », et nous travaillons de concert avec nos partenaires zimbabwéens pour étudier les mécanismes de circulation et d’émergence des coronavirus et autres virus en Afrique, afin de quantifier les risques sanitaires et prévenir les prochaines épidémies ».

L’équipe de recherche réalise des collectes d’échantillons biologiques sur les mammifères, plus particulièrement les chiroptères et rongeurs, puis des analyses virologiques et sérologiques. Des études écologiques des espèces sauvages, qui servent de réservoirs à certains virus, sont également conduites.

Les coronavirus sont une famille de virus dont les types « alpha » et « beta » affectent les mammifères. Le SARS-Cov-2, causant la pandémie de Covid-19, est un coronavirus de type beta. Il y a quelques mois, les chercheurs zimbabwéens et français ont identifié différents types de coronavirus au sein de deux colonies de chauves-souris microchiroptères insectivores et cavernicoles dans les districts de Kwekwe et Hurungwe, au centre et au nord du pays.

« L’habitat de ces colonies de chauves-souris est fréquemment visité par la population locale, qui récolte le guano pour fertiliser ses cultures. Il est donc primordial de connaître les pathogènes portés par ses chauves-souris, car ils pourraient être transmis à l’humain. La pandémie actuelle est notamment liée à la réduction de l’habitat des animaux sauvages », explique Dr Elizabeth Gori, spécialiste en biochimie vétérinaire et en biologie moléculaire à l’Université du Zimbabwe.

Mieux réagir lors d’une prochaine épidémie

Les chercheurs ont prélevé des fèces de chauves-souris appartenant à ces colonies. De retour au laboratoire, ces échantillons sont analysés et les coronavirus en sont extraits. Les scientifiques procèdent ensuite au séquençage de la signature génétique du virus, son ARN, afin de dévoiler ses caractéristiques génétiques.

« Si nous connaissons mieux les caractéristiques de ces virus, nous serons en capacité de mieux réagir, grâce à des diagnostics rapides et adaptés aux souches connues. On prépare en quelque sorte une boite à outils en cas de transmission de nouveau coronavirus à l’être humain », précise Dr. Florian Liégeois, virologue à l’IRD et porteur du projet.

En complément de ces analyses, les chercheurs prévoient de collecter de nouveaux échantillons de fèces, de salive et de sang chez ces mêmes chauves-souris, afin de mieux appréhender la diversité génétique des coronavirus ainsi que leur prévalence chez ces populations.

« Toutes ses activités de recherche et de formation, initiées dans le cadre du projet FSPI-CAZCOM financé par le Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères, visent à accroître l’autonomie du Zimbabwe dans la lutte contre les maladies animales d’importance et les maladies zoonotiques, telles que le COVID-19 », conclut Mathieu Bourgarel, qui souligne l’importance d’impliquer les populations locales à travers des approches participatives pour améliorer les systèmes de surveillance et de détection de ces maladies.

*Ce nouveau projet, financé par Montpellier Université d’Excellence vient compléter un autre projet international intitulé « Prévalence, diversité́ génétique et distribution géographique des coronavirus chez les chauves-souris sauvages afin d’évaluer le risque pour de futur transmissions zoonotiques ». Ce dernier, porté par l'IRD, est financé par l’ANRS et s'intéresse à la génétique des coronavirus véhiculés par les chauves-souris au Zimbabwe, en Guinée, au Cameroun et en République Démocratique du Congo.

Communiqué rédigé sur la base du communiqué de l’IRD du 22 mai 2020

Référence

Bourgarel Mathieu, Pfukenyi Davies Mubika, Boué Vanina, Talignani Loïc, Chiweshe Ngoni, Diop Fodé, Caron Alexandre, Matope Gift, Missé Dorothée, Liégeois Florian. 2018. Circulation of Alphacoronavirus, Betacoronavirus and Paramyxovirus in Hipposideros bat species in Zimbabwe . Infection, Genetics and Evolution , 58 : 253-257.