Patrick Caron : « MAK’IT est un réacteur intellectuel pour accélérer les transitions vers les objectifs du développement durable »

Regard d'expert 6 mars 2019
Avec l’appui du Cirad, Montpellier Advanced Knowledge Institute on Transitions (MAK’IT) est l’un des projets phares de Montpellier université d’excellence (MUSE). En réunissant autour d’une question une petite dizaine de chercheurs de haut niveau pendant des séjours de plusieurs mois, MAK’IT se veut être un espace d’intelligence collective pour accélérer les transitions dans les domaines de la santé, de l’environnement, de l’agriculture et de l’alimentation. Cet institut de connaissances avancées est officiellement lancé le 7 mars 2019 à Montpellier. Les résultats du premier groupe scientifique pilote, qui a travaillé sur la question de la circularité d'un système alimentaire, seront révélés lors de ce lancement. Décryptage de MAK'IT avec Patrick Caron, son créateur, géographe au Cirad et directeur des relations internationales de MUSE.
Patrick Caron, directeur des relations internationales de Montpellier Université d'Excellence © C. Dangléant, Cirad

Quel est le principe de MAK’IT ?

Patrick Caron : MAK’IT appartient à la famille des institut d’études avancées. Il y en a une centaine dans le monde, dont 5 en France*. L’ IAS Princeton a été le précurseur. Ce sont des sortes de « Villa Médicis » qui accueillent des chercheurs venus du monde entier pour réfléchir à une question donnée, en lien avec la politique scientifique de l’institut. MAK’IT réunira donc pendant des séjours de quelques mois des petits groupes de scientifiques de haut niveau, dans l’idée de créer un espace d’intelligence collective de l’action pour le développement durable.

Quelle en est l’originalité ?

P. C. : Nous avons pensé MAK’IT avec une double originalité. D’abord, l’aspect collectif. Les scientifiques accueillis travailleront ensemble et sur une même question de société au croisement des 3 pôles thématiques de MUSE : environnement, santé, agriculture et alimentation. Ensuite, la méthodologie choisie s’appuie sur l’analyse des controverses liées à la question traitée pour produire des connaissances nouvelles. L’enjeu est que les chercheurs puissent mieux contribuer aux débats de société à travers un dialogue confrontant des points de vue différents. Pour susciter décloisonnement et créativité, notre ambition est de valoriser plusieurs formes de connaissances. C'est pourquoi pendant leur résidence, les scientifiques rencontreront régulièrement des étudiants et des acteurs issus du monde socio-économique, politique et artistique provenant d’horizons géographiques et disciplinaires très diversifiés.

Quelle a été la genèse de l’institut ?

P. C. : Je suis convaincu que la science et la connaissance avancent par la mise en confrontation de points de vue divers et divergents. Je souhaitais cela depuis longtemps : monter un espace dédié à l’analyse de controverses et à l’intelligence collective. Montpellier, qui a le privilège d’accueillir déjà des chercheurs provenant d’horizons géographiques et disciplinaires différents, s’est imposé. Le concept a séduit le conseil de MUSE. Depuis 2017, je travaille ainsi à 50 % pour MUSE avec pour mission de monter cet institut des connaissances avancées et de renforcer l’attractivité internationale de MUSE.

Quand MAK’IT démarre-t-il ?

P. C. : MAK’IT prendra officiellement vie le 7 mars avec une journée d’inauguration qui promet d’être passionnante ! Au programme : présentation de l’institut, prestigieuses prises de paroles en duo et exposé en "disputatio " des résultats d’un groupe pilote accueilli en 2018. Ce premier groupe de 5 chercheurs internationaux (Angleterre, Brésil, Danemark, Pays-Bas et Tunisie) a testé la méthodologie en 10 points que nous avons élaborée. Ils ont mené une réflexion sur l’échelle d’organisation de la circularité d’un système alimentaire, en mettant en évidence les tensions entre global et local. Cette « résidence » pilote nous a permis d’identifier les aspects qui ont bien fonctionné et ceux à améliorer comme, par exemple, l’animation de groupe ou l’accueil des experts.

Le Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de la République de Guinée, Abdoulaye Yéro Baldé, ouvrira la journée d'inauguration de MAK'IT le 7 mars avec son homologue française, Frédérique Vidal. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix fort d'associer les "Suds" ?

P. C. : Parmi ses missions, MAK’IT se fixe une ambition de diplomatie scientifique, avec un accent particulier sur les « Suds ». La collaboration avec les pays du Sud est donc primordiale. Nous allons pour cela nous appuyer sur le large réseau de partenaires du Cirad, de l’IRD et de l’IAMM**. MUSE a signé un accord il y a un an avec la Guinée pour répondre à la crise d’Ebola. Nous avons construit un dispositif au cœur des trois champs thématiques de MUSE : chercheurs en santé humaine et animale, étudiant les mécanismes de circulation du virus, et en sciences humaines, sur les changement d’usage des terres et les conséquences économiques et sociales de ce fléau. La Guinée est donc un excellent exemple de collaboration en cours avec les pays du Sud.

Au total, dix pays (Afrique du Sud, Brésil, Espagne, France, Pays-Bas, Japon, Chine, Maroc, Sénégal, République de Guinée) seront représentés pour ce premier événement d'envergure internationale.

* Le Collegium de Lyon, l’IMéRA de Marseille, l’IEA de Nantes, l’IEA de Paris, l’IAST adossé à la Toulouse School of economics. Quatre autres sont en cours de montage.

**Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier

Propos recueillis par Caroline Dangléant et Sophie Della Mussia

MAK’IT, un laboratoire du changement vers les ODD

Véritable laboratoire du changement, MAK’IT s’engage à ce que les conclusions de ses travaux soient utiles aux générations futures et stimulent leur engagement en faveur du développement durable. Outre une diffusion large de ses publications, l’institut encourage notamment le déploiement de contenus pédagogiques et de cursus d’enseignements innovants et met en place en son sein des dispositifs d’«immersion» pour les étudiants ainsi que des Summer Schools de quelques semaines ouvertes aux doctorants et post-doctorants.