Plinio Sist
Montpellier, France
Courriel
19/09/2018 - Article
L’Initiative pour la restauration des paysages forestiers africains, AFR100, a démarré il y a trois ans. Une réunion des partenaires techniques de l’initiative, dont fait partie le Cirad, s’est tenue fin août 2018 au Kenya. Plinio Sist, écologue et directeur de l’unité Forêts et sociétés au Cirad, était présent. Pour lui, la grande victoire de l’AFR 100 est d’avoir réussi à convaincre 26 pays à s’engager au travers d’objectifs chiffrés concrets. Le principal enjeu est aujourd’hui de mettre en œuvre ces engagements aux défis tant environnementaux, alimentaires que sécuritaires. Un enjeu colossal nécessitant des investissements estimés à environ 1,3 milliard d’euros.
Avec l’initiative AFR100, l’Afrique s’est donné comme objectif de restaurer 100 millions d’hectares (Mha) de forêts dégradées d’ici 2030. Le continent contribue ainsi au Défi de Bonn qui vise à restaurer 300 Mha à travers le monde d’ici 2030. Cette initiative a été lancée par des représentants de pays africains lors du Forum mondial sur les paysages, organisé lors de la COP21 à Paris en décembre 2015.
Aujourd’hui, 26 pays africains se sont engagés à restaurer au total 91,4 Mha. L’objectif des 100 millions d’ha est donc pratiquement atteint, en termes d’engagement. Plinio Sist, écologue et directeur de l’unité Forêts et sociétés au Cirad, était présent lors de la réunion des partenaires techniques de l’initiative fin août au Kenya : « l’enjeu principal est aujourd’hui de mettre en œuvre ces engagements au niveau de chaque pays. Il s’agit d’un défi colossal qui demandera des investissements estimés à environ 1,3 milliard d’euros. »
Partenaire technique de l’AFR 100 depuis fin 2017, le Cirad doit jouer un rôle de premier ordre dans la mise en œuvre de ces engagements. « Grâce à ses compétences en agronomie, foresterie et dans les domaines des sciences sociales et économiques, le Cirad compte contribuer activement à cet enjeux en apportant une approche paysagère intégrée à la recherche de conciliation entre gestion durable des ressources naturelles et amélioration des conditions de vie des populations les plus démunies », précise Plinio Sist.
La FAO estime à 2 milliards d’ha la superficie des terres dégradées sur lesquelles vivraient 1 milliard de personnes. En Afrique, ces terres dégradées couvrent 700 millions d’ha. Alors que la population mondiale doit atteindre 9 milliards en 2050 et celle de l’Afrique doubler d’ici 2030, les enjeux de restauration sont non seulement environnementaux, mais relèvent également de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté. « Il s’agit de construire des paysages durables capables de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux tout en améliorant les conditions de vie et de revenus des populations locales qui les occupent, souligne Plinio Sist. La lutte contre la pauvreté et les risques de migration climatique massive vers les pays du Nord constituent des préoccupations majeures. Il s’agit certes de proposer des actions visant à restaurer durablement un couvert forestier donné, mais aussi des systèmes de production agricole durable ne se développant plus au détriment des forêts. »
La restauration des paysages forestiers dépasse donc largement le simple fait de planter des arbres. Elle consiste également à raisonner à l’échelle des territoires et des régions avec les acteurs dans tous les domaines liés à l’utilisation durable des terres.
Au Niger, par exemple, les techniques de régénération naturelle améliorée, développées par le Cirad et ses partenaires, ont permis aux exploitants agricoles de reconstituer un parc agroforestier sur plus de 5 millions d’hectares. « Cette restauration, détaille Plinio Sist, a grandement amélioré les rendements des récoltes, tout en produisant du fourrage pour le bétail, des pieux, du bois de chauffe, des feuilles et fruits comestibles, ainsi que d’autres produits destinés à la consommation ou à la vente. »
Les exemples de réussite sont nombreux. Ils demeurent toutefois ponctuels et loin des ambitions affichées des pays en faveur de la restauration.