Les baobabs, ces géants mystérieux
Page réalisée à l'occasion de l'édition 2017 du Fascination of Plants Day et rassemblant diverses ressources sur le baobab
Pascal Danthu
Montpellier, France
Courriel
18/05/2017 - Article
Cela fait plus de vingt ans que les baobabs passionnent Pascal Danthu, écologue au Cirad. Depuis une dizaine d’années, il mène, avec ses collègues malgaches, des projets de recherche destinés à combler le déficit de connaissances scientifiques concernant cet arbre mystérieux, dont six des neufs espèces répertoriées sont endémiques de Madagascar. Découvrez cette passion au travers d'un portrait réalisé à l'occasion de Fascination of Plant Day 2017.
« Moi, je trouve les plantes fascinantes parce qu’elles sont source de vie. Elles nourrissent, soignent, protègent, inspirent les hommes depuis des millénaires. Cette passion pour le monde végétal est certainement un caractère familial car je suis issu d’une lignée de maraîchers et d’horticulteurs d’Ile de France. Mais mon centre d’intérêt est plus exotique : les arbres tropicaux. »
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C’est en 1995, alors en poste au Sénégal que Pascal Danthu a découvert le baobab. Et d’emblée, il a été fasciné par cette espèce majestueuse. « Ce sont des arbres magnifiques, multiformes, parfois immenses, parfois rabougris, tantôt longilignes et élancés, tantôt grotesques dans leur apparence, ils ne laissent pas indifférents. ». Comment ne pas être séduit en effet par ces végétaux qui dominent par leur taille toutes les autres espèces qui partagent leur écosystème.
Le baobab jouit d’une longévité exceptionnelle, il peut vivre jusqu’à 1600 ans. C’est d’autant plus surprenant qu’à y regarder de plus près, le colosse semble d’argile. En effet, contrairement au tronc de la plupart des plantes ligneuses, qui est constitué majoritairement de bois mort, très dense et dur, celui du baobab est essentiellement composé d’un tissu fibreux spongieux. « Le poids que représente l’eau dans un grand baobab est comparable à celui d’un avion de ligne ! Au point que l’arbre ne tient debout que grâce à la pression hydrique. Et lorsqu’un baobab meurt, il ne rompt pas, il s’affaisse et devient rapidement poussière », souligne Pascal Danthu.
Mais le baobab compense cette faiblesse relative par une faculté unique que les chercheurs ont découverte après avoir observé un usage pratiqué à Madagascar par les populations du plateau Malafaly. Dans ce lieu désertique, où il ne pleut que quelques jours par an, les habitants ont appris à stocker l’eau de pluie dans des citernes, parfois hautes comme un homme, qu’ils creusent dans le tronc des baobabs. Or, non seulement l’arbre résiste à cette violente agression, mais il se régénère, au point que les creuseurs doivent régulièrement le retailler pour éviter que l’ouverture ne se referme. Comment est-ce possible ? « Et bien contrairement aux espèces ligneuses où le cambium (la partie vivante du tronc qui assure à sa croissance), se situe seulement en périphérie, on retrouve dans le baobab, du cambium dans les fibres internes du bois », nous apprend Pascal Danthu. Résultat, si l’on creuse l’arbre, il réagit en produisant une écorce à l’intérieur de la cavité, dont la taille va croître avec le temps, jusqu’à la combler.
Cela dit, du fait de cette structure fibreuse, le baobab ne peut fournir du bois de service. Mais c’est là son unique défaut car l’arbre est par ailleurs largement exploité par les populations locales. Ses feuilles par exemple, sont très consommées par les habitants d’Afrique de l’Ouest. Elles constituent aussi un excellent fourrage.
Le fruit du baobab est apprécié localement, mais pas seulement. Depuis une dizaine d’années, on l’exporte, notamment en France, où la pulpe et le jus, riches en vitamine C, séduisent un nombre croissant de consommateurs. Ses graines sont oléagineuses. Quant à l’écorce, elle est communément utilisée pour confectionner des cordages. Considéré comme sacré par les populations locales, mais aussi du fait qu’il ne sert à rien une fois coupé, il échappe à la déforestation menée à Madagascar pour libérer des surfaces agricoles. On pourrait croire le colosse ainsi sauvegardé. Il n’en est rien.
Depuis une dizaine d’années, Pascal Danthu mène, avec ses collègues malgaches, divers projets, afin de combler le déficit de connaissances scientifiques concernant le baobab, dont 6 des 9 espèces répertoriées sont endémiques de Madagascar. Or, ils ont constaté que les baobabs laissés dans les champs cultivés sont menacés. « Nous avons noté que la biologie de ces arbres « hors forêt » est bouleversée. Leur régénération est moindre, et en raison de la raréfaction des pollinisateurs, ils émettent moins de graines qui, de plus, ne peuvent germer car consommées par le cheptel. Leur survie semble compromise à long terme ». C’est particulièrement le cas de deux autres espèces du nord de Madagascar: en raison du changement climatique, leur habitat pourrait se réduire, voire disparaître à l’horizon 2100.
Mais pas question de baisser les bras, comme le souligne Pascal Danthu : « Tous les projets que nous menons avec nos partenaires du sud ont pour objectif de contribuer à la conservation de ces espèces fascinantes, tout en ménageant les usages qu’en fait la population . »
Par Philippe Fontaine.