Caroline Roullier, Laure Benoit, Doyle B. McKey, and Vincent Lebot (2013). Historical collections reveal patterns of diffusion of sweet potato in Oceania obscured by modern plant movements and recombination, PNAS DOI: 10.1073/pnas.1211049110
C. Roullier, L. Benoit, D. McKey et V. Lebot
ont reçu en 2014, pour la publication scientifique reliée à cette actualité, le
prix Cozarelli 2013.
Le Prix Cozzarelli récompense tous les ans des articles parus dans la prestigieuse revue de l'Académie des sciences américaines PNAS.
Sur plus de 3800 articles publiés en 2013 dans la revue, 6 ont été retenus.
20/02/2013 - Article
Les Européens ne seraient pas les premiers à avoir foulé le sol américain. Plusieurs siècles avant eux, des bateaux polynésiens auraient fait le voyage jusqu’aux côtes péruviennes et ramené avec eux le tubercule présent dans toute la zone Pacifique. C’est ce que confirme une vaste étude génétique menée par une équipe de scientifiques CNRS/Cirad et publiée le 23 janvier dans Proceedings of the National Academy of Sciences.
La patate douce consommée en Océanie est bel et bien d’origine américaine. Mieux : elle aurait été ramenée d’Amérique du sud par des bateaux polynésiens, plusieurs siècles avant les explorateurs européens. C’est la génétique des plantes cultivées qui livre cet éclairage inédit sur l’histoire des hommes. « Ce tubercule, aujourd’hui cultivé dans toute la zone Pacifique, était déjà décrit dans les récits des premiers explorateurs européens. Ce que confirment les restes archéologiques découverts à Hawaï, aux Iles Cook et en Nouvelle Zélande, datés entre 1000 et 1400 après Jésus-Christ, explique Caroline Roullier, doctorante en biologie évolutive et auteur de l’étude parue dans PNAS. La question à laquelle j’ai tenté de répondre, c’est : comment sont-ils arrivés là ? »
Plusieurs éléments plaidaient en faveur d’une diffusion de la patate douce des Amériques vers l’Océanie. D’abord, c’est en Amérique du sud qu’on trouve les plus anciens restes archéologiques, dont certains pourraient avoir 10 000 ans. La linguistique aussi apporte des indices troublants : dans toute la Polynésie, la patate douce est appelée kumara… Or c’est le nom quechua qui lui est donné au Pérou et en Equateur !
Pour confirmer cette hypothèse, Caroline Roullier, alors en thèse à Montpellier (au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive/CNRS et au Cirad), a réalisé plusieurs milliers d’analyses génétiques. Un travail de titan lorsque l’on sait que cette espèce possède non pas une, mais trois paires de chaque chromosomes, soit 6 copies de chaque gène ! « Il a d’abord fallu analyser la diversité génétique des variétés d’Amérique tropicale, la zone d’origine de la plante. Deux groupes distincts ont été trouvés, correspondant aux plantes de la région Pérou-Equateur et à celles d’Amérique centrale et des Caraïbes. Nous les avons ensuite comparés avec la signature génétique des formes présentes en Océanie : soit 1200 plantes vivantes et 60 échantillons issus des herbiers du capitaine Cook… »
Le résultat est sans appel : oui, la kumara du Pérou est bien l’ancêtre de la patate douce polynésienne. Ce sont les analyses des herbiers du 18e qui le confirment, puisque des introductions plus tardives de plants de patates douces, importés dans le Pacifique dès le 16e siècle par les Portugais (depuis les Caraïbes) et les Espagnols (depuis le Mexique), ont recombiné avec les premières kumaras, brouillant progressivement les traces des premiers voyages.
Dimanche 24 février
à partir à 15 h sur le stand du Cirad
(Hall 4, Allée C 100, Parc des expositions, Porte de Versailles, Paris)
Conférence : Enquête sur les origines étonnantes de la patate douce